Un vieux serpent de mer remis sur le devant de la scène
La question des ondes émises par les téléphones portables et de leur éventuel lien avec le cancer revient régulièrement dans le débat public, un peu comme un vieux serpent de mer qui refait surface à chaque nouveau progrès technologique.
Depuis des années, associations, médias et particuliers s'interrogent : l'usage intensif du téléphone portable, surtout chez les jeunes, ne ferait-il courir un risque à long terme pour la santé ? La dernière fois, c'était en 2020 quand on s'interrogeait sur les dangers potentiels de la 5G sur la santé.
Avec l'explosion des smartphones et autres objets connectés, ainsi que la multiplication des antennes 4G/5G, ce questionnement refait surface. Et l'annonce du nouvel avis de l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) remet le débat sur le devant de la scène, et de manière officielle.
Après plusieurs années sans mise à jour globale, l'agence publie une analyse actualisée des connaissances. Le verdict : pas de lien démontré entre ondes et cancer, mais l’incertitude demeure, d'où des recommandations de "prudence".
Des résultats rassurants mais prudents
L'étude publiée par l'ANSES repose sur un travail d'expertise collective qui prend en compte l'ensemble des recherches scientifiques disponibles à ce jour (études épidémiologiques, études expérimentales sur les animaux, études mécanistiques [effets cellulaires]) et s'appuie sur une méthode d'évaluation rigoureuse inspirée des recommandations de référence du CIRC*.
Depuis ses précédentes évaluations (2013 pour les adultes, 2016 pour les enfants), près de 1000 nouvelles études ont été publiées sur le sujet, dont des travaux d'envergure tels que l'étude MOBI‑Kids et des recherches toxicologiques du programme National Toxicology Program (NTP) américain.
Certains de ces travaux montrent des "effets limités" sur des mécanismes cellulaires ou chez l'animal. Mais, selon l'ANSES, les études épidémiologiques, c'est-à-dire celles qui portent sur l'humain, ne fournissent pas d'éléments probants d’un lien entre l’exposition aux ondes émises par les téléphones portables et l’apparition de cancers.
En conséquence, l'agence conclut qu'à ce jour, "l'ensemble des connaissances disponibles" ne permet pas d’établir de lien de cause à effet entre l'exposition aux radiofréquences et le développement de cancers.
Toutefois, l'ANSES nuance : cette conclusion s'applique aux données disponibles jusqu’en mai 2025, ce qui n'exclut pas que des recherches futures, permettant d'affiner les connaissances, puissent modifier ce verdict.
Les recommandations de l'Anses
Si l'ANSES ne relève pas de lien certain entre ondes et cancer, elle ne ferme pas la porte à la prudence, surtout compte tenu des pratiques qui évoluent vite (multiplication des objets connectés, 5G, usage intense dès le plus jeune âge…).
Concrètement, l'agence recommande de :
- privilégier un usage modéré du téléphone mobile, surtout chez les enfants ;
- éloigner l'appareil du corps quand c'est possible : utiliser un oreillette, le haut-parleur, plutôt que le tenir collé à la tête ;
- favoriser, quand les conditions le permettent, une connexion Wi-Fi plutôt que le réseau mobile en intérieur, ce qui peut réduire l’exposition aux radiofréquences.
Par ailleurs, l'ANSES appelle à poursuivre la surveillance : maintenir des cohortes à long terme, développer des protocoles harmonisés entre études expérimentales et mécanistiques, et documenter les usages réels des technologies sans fil afin de suivre l'évolution de l'exposition de la population.
Elle préconise aussi d'élargir les recherches aux autres effets sanitaires potentiels (fertilité, fonctionnement cérébral, etc.), car l'usage massif et diversifié des technologies sans fil pourrait entraîner des effets non liés au cancer.